IPBox : les bonnes pratiques à mettre en place pour sécuriser sa déclaration

Dans cet article, nous vous proposons de parcourir les bonnes pratiques à mettre en place pour sécuriser sa déclaration IPBox et bénéficier d’une fiscalité avantageuse en toute sérénité.
IPBox bonnes pratiques pour déclaration
Actualités
26 janvier 2024

Le dispositif IPBox (article 238 du CGI) permet, depuis le 1er janvier 2019, aux éditeurs de logiciels de valoriser la propriété intellectuelle de leurs actifs, et favoriser leurs efforts de R&D. Ce dispositif fiscal avantageux permet de bénéficier d’un taux d’IS à 10%, contre 25% actuellement. Pour rappel, le dispositif avait été adapté en 2019 sous pression de l’OCDE (auparavant, l’article 238 du CGI était valable pour les brevets mais pas pour les revenus logiciels), afin d’éviter que les éditeurs de logiciels français décident de délocaliser leurs revenus dans des pays étrangers. 

Dans cet article, nous vous proposons de parcourir les bonnes pratiques à mettre en place pour sécuriser sa déclaration IPBox pour les éditeurs logiciels, et ainsi bénéficier d’une fiscalité avantageuse en toute sérénité. 

Quelles sont les conditions d’accès à l’IPBox ? 

L’IPBox permet d’accéder à un taux d’impôt sur les sociétés à 10% sur les résultats de cession, concession et sous-concession de : 

  • Brevets, certificats d’utilité et les certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet ; 
  • Les certificats d’obtention végétale ; 
  • Les logiciels protégés par le droit d’auteur ; 
  • Les procédés de fabrication industriels qui constituent le résultat d’opérations de recherche, sont l’accessoire indispensable de l’exploitation d’une invention mentionnée au premier point, et font l’objet d’une licence d’exploitation unique avec l’invention. 

La notion de logiciel protégé par le droit d’auteur est connexe à celle d’originalité, puisque pour que le logiciel soit protégé par droit d’auteur, celui-ci doit être original. La condition d’originalité de l’œuvre n’apparait pas explicitement au sein du code de la propriété intellectuelle. L’article L.112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que le droit d’auteur s’applique à toutes les œuvres de l’esprit indifféremment de leur mérite, de leur destination, de leur genre ou de leur forme d’expression. Le Code de la propriété intellectuelle ne fait ainsi référence au concept d’originalité qu’à l’article L.112-4, et ce pour protéger le titre d’une œuvre de l’esprit. L’arrêt de principe en matière de définition de l’originalité est l’arrêt « Babolat – Pachot » rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 7 mars 1986 : « l’originalité en droit des logiciels s’entend d’un « effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante […] (lequel) réside dans une architecture individualisée ». 

Autrement dit, l’originalité d’un logiciel se traduit par un apport intellectuel allant plus loin que l’exécution d’une technique connue. Concrètement, un logiciel apparaît comme original dès lors que son développement ne découle pas de l’application machinale d’un simple savoir-faire appris par l’auteur mais qu’il traduit des choix et un parti-pris inhérent à cette personne. Cette originalité retrouve donc des critères communs avec la R&D

Outre cet aspect, afin de satisfaire aux conditions d’éligibilité du dispositif IPBox, la société doit aussi satisfaire les critères suivants : 

  • La société doit être bénéficiaire ; 
  • Une partie de ses revenus doit être issue d’un ou plusieurs logiciels édités par la société (ceux-ci devant, comme précisé précédemment, être protégés par le droit d’auteur). 

+ d’infos sur l’IPBox

Sécuriser l’IPBox en structurant la R&D 

Comme nous l’avons précisé, l’originalité du logiciel a des critères communs avec la R&D (au sens du Manuel de Frascati). Par ailleurs, dans le calcul du rapport d’assujettissement au taux réduit, dit « ratio nexus », celui-ci prend en considération « les dépenses qui présentent la nature de dépenses de R&D, c’est-à-dire celles qui résultent directement d’activités de R&D telles que définies au BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 ». 

Dans ce contexte, si l’originalité n’est pas nécessairement conditionnée à la réalisation de R&D, le ratio nexus, qui s’applique aux revenus de l’actif à prendre en compte pour bénéficier du taux d’imposition réduit, prend bien en compte les dépenses de R&D. Il apparaît donc important, afin de sécuriser la déclaration IPBox, de structurer la démarche de R&D au sein de l’entreprise. 

Dans ce contexte, plusieurs indicateurs de R&D permettent de justifier l’originalité, d’une part, et les travaux de recherche d’autre part (et vont d’ailleurs de pair avec le Crédit d’Impôt Recherche) : 

  • Définir une roadmap technique en amont ; 
  • Recruter des profils techniques qualifiés (ingénieurs de recherche et/ou docteurs) ; 
  • Faire appel à une thèse CIFRE ; 
  • Mener des projets collaboratifs de recherche ; 
  • Avoir un suivi des temps R&D précis. 

Notons qu’il est également possible de faire appel à des prestations de R&D externalisées si jamais la société n’a pas la capacité de réaliser certains développements de R&D en interne. Cependant, dans le cadre de sous-traitance, il convient de faire particulièrement attention : s’il s’agit de sous-traitance auprès d’une entité liée, les dépenses sont à inclure au dénominateur du ratio nexus, ce qui peut largement le détériorer et donc avoir un impact négatif sur le montant sur lequel peut s’exercer le taux d’IS réduit. Ce problème ne se pose pas dans le cadre d’entités non liées. 

La structuration de la R&D, ainsi que du CIR, est donc un bon moyen de sécuriser l’IPBox, certaines notions étant connexes entre les deux dispositifs. 

Malgré tout, nous ne disposons pas encore de jurisprudences sur ce dispositif, et certaines zones d’ombre restent présentes : 

  • Le logiciel peut-il « perdre » son originalité au bout d’un certain nombre d’années ? 
  • Le ratio nexus prend en compte les dépenses de R&D. Mais qu’en est-il des dépenses d’innovation ?
  • Le ratio nexus est-il nécessairement nul en l’absence de dépenses de R&D ? 

Ces questions restent pour l’instant sans réponse claire de l’administration, et en l’absence de jurisprudence, nous ne pouvons qu’espérer un décret mettant en exergue les conditions exactes d’applicabilité du dispositif. 

Sécuriser l’IPBox en segmentant les revenus du logiciel 

Rappelons que pour le calcul du montant sur lequel peut s’exercer l’IS à 10%, le dispositif se base sur les résultats de cession, concession et sous-concession de l’actif. Seule la part relative à l’abonnement ou à la vente du logiciel « on-premise », représentant la part intrinsèque liée à la licence d’exploitation du logiciel, est à considérer. Dans ce contexte, il convient de procéder à une comptabilité affinée par type de revenus, ainsi que faire une distinction claire dans les factures, pour exclure : 

  • Les frais d’hébergement ; 
  • La hotline/le support ; 
  • La formation ; 
  • La maintenance ; 
  • Le développement spécifique. 

La distinction de ces différentes catégories de dépenses permet à la fois de sécuriser l’IPBox et également de faciliter ses modalités de calcul. 

Réaliser un dépôt APP ou e-Soleau 

Un logiciel est composé de deux parties distinctes : 

  • La forme programmée (comprenant le code source, qui est le résultat du travail créatif du programmeur, et du code objet, résultat de la traduction de ce code source par d’autres logiciels) ; 
  • La forme communiquée, correspondant aux interfaces, fonctionnalités, etc. 

Comme l’explique la jurisprudence Babolat c/Pachot, l’originalité se situe dans l’existence de choix, l’apport intellectuel propre et l’effort personnalisé de l’auteur. 

Le Tribunal Judiciaire de Marseille est venu apporter des précisions supplémentaires sur l’effort personnalisé, avec son jugement du 23 septembre 2021 (affaire GENERIX c/ACSEP). Le tribunal expliquait notamment que cet effort peut se constater dans : 

  • L’existence de choix personnels concernant les scénarios radios ; 
  • L’existence de choix d’une forte opérabilité ; 
  • L’utilisation d’un langage de programmation différent de celui utilisé par les concurrents ; 
  • L’utilisation d’un outil développé en interne et non commercialisé ; 
  • Les développements permettant d’accéder à des interfaces homme-machine totalement différents sur un même environnement. 

Dans ce cadre, afin de prouver l’originalité du logiciel (c’est-à-dire de son code source), il est très intéressant de constituer des preuves de l’antériorité et de la titularité de ce code source. Il est possible de réaliser cela à travers : 

Il faut noter que ces dépôts ne sont pas créateurs de droit, mais sont d’une aide considérable afin de démontrer l’originalité en cas de contrôle. 

Pour plus d’informations, nous vous invitons à suivre les liens suivants : 

  • Dépôt APP (lien) ; 
  • Dépôt e-Soleau (lien). 

Continuer à déclarer son actif 

Les textes stipulent (§110 et §120 du BOI-BIC-BASE-110-20 – lien) que « l’entreprise qui cesse de reporter le calcul de son résultat net, même déficitaire, pour un actif, un bien ou service, ou une famille de biens ou services, dans l’annexe à la déclaration de résultat prévue à cet effet, perd définitivement la possibilité de bénéficier ultérieurement du régime pour les actifs concernés par cette option ». 

Dans ce contexte, si l’entreprise a déclaré un actif au titre de l’IPBox en année N, et qu’il n’y a plus de R&D en année N+1, il semble tout de même intéressant de continuer à effectuer la déclaration sur cet actif. D’une part, le logiciel n’aura pas forcément perdu son originalité, et si des travaux de R&D ont été effectuées lors des dernières années, les dépenses afférentes seront incluses dans le calcul du ratio nexus. D’autre part, sans déclaration, l’entreprise perdra définitivement la possibilité de bénéficier du régime de faveur pour cet actif.  

Cas particulier en cas d’intégration fiscale 

Dans le cadre d’intégration fiscale, l’article 223 H du CGI précise que la valeur vénale des actifs détenus par une société, à la date de son entrée dans le groupe, constitue une dépense d’acquisition retenue pour le calcul du résultat net d’ensemble, au titre du premier exercice au cours duquel la société mère exerce l’option, et qu’elle est prise en compte au dénominateur du rapport d’assujettissement (ratio « nexus »). Cette solution est donc susceptible d’affecter défavorablement le calcul du rapport d’assujettissement lorsque des entités détentrices d’actifs éligibles ont récemment rejoint le groupe.  

Notons que cette position a été tempérée par l’Administration fiscale pour les sociétés entrées dans un groupe fiscal avant l’entrée en vigueur du nouveau régime. En effet, il est précisé que ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque l’entrée de la société dans le groupe fiscal est intervenue avant le 1er janvier 2019.  

Néanmoins, pour une société qui est intégrée fiscalement après cette date, le calcul de la valorisation de l’actif au titre de l’IPBox est fortement impacté : 

  • D’une part, au titre du premier exercice de réalisation d’un revenu éligible, doivent être déduites les dépenses de R&D de l’exercice, mais également celles engagées antérieurement au cours des exercices ouverts à compter de l’exercice au titre duquel l’option pour cet actif a été exercée (mécanisme de « recapture » des dépenses antérieures). Au titre de ces dépenses de R&D, doivent être déduites les dépenses d’acquisition des actifs éligibles concernés ; 
  • D’autre part, le ratio « nexus », calculé annuellement, tient compte des dépenses réalisées au titre de l’exercice et de celles réalisées au cours des exercices antérieurs. Au titre des dépenses retenues au dénominateur, sont à retenir en sus les coûts d’acquisition des actifs éligibles au taux réduit. 

Dans ce contexte, nous préconisons de prendre en compte ce point lors de la décision d’intégrer fiscalement ou non une société : cela détériorant sensiblement le ratio « nexus » pendant plusieurs années. 

Conclusion

En conclusion, le dispositif IPBox, bien que présent depuis maintenant 5 ans, ne dispose pas encore de jurisprudences et certaines zones d’ombre subsistent. Certains mécanismes permettent de sécuriser la déclaration, mais le mieux reste d’adopter une stratégie personnalisée et adaptée à votre entreprise

Vous avez des doutes quant à l’application de l’IPBox pour vos actifs ? Vous réalisez déjà une déclaration annuelle, mais souhaitez consolider et sécuriser votre démarche ? N’hésitez pas à nous contacter afin d’en discuter ensemble ! 

Références et sources

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041468432/

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006278873/

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006278880

https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/11729-PGP.html/identifiant%3DBOI-BIC-BASE-110-30-20200422

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037987785

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