CICo: Le nouveau Crédit d’Impôt Collaboration

Ce nouveau dispositif s’inscrit dans une démarche d’aide aux projets collaboratifs de R&D, menée maintenant depuis plusieurs années par l’État
Collaboratif CICo
Actualités
11 février 2022

Dans notre dernier article, paru le 13 janvier 2022, nous vous avions résumé les principaux changements apportés par la loi de finances pour 2022 en termes de financement de l’innovation.

Étant donné les multiples sujets, nous vous avions promis de revenir en détails sur les dispositifs Crédit Impôt Innovation (CII), Jeune Entreprise Innovante (JEI), Crédit Impôt en faveur de la recherche collaborative (CICo), en vous proposant une analyse plus exhaustive sur chacun de ces leviers de financement.

Chose promise, chose due ! Cet article est consacré au Crédit Impôt en faveur de la recherche collaborative (CICo). Pourquoi a-t-il fait son apparition ? Quelles sont les conditions pour en bénéficier ? Quelles sont les dépenses éligibles ? Est-il possible de le combiner avec le CIR ? Nous vous invitons à lire notre article afin d’avoir les réponses à ces questions.

Le CICo, pourquoi ?

Ce nouveau dispositif s’inscrit dans une démarche d’aide aux projets collaboratifs de R&D, menée maintenant depuis plusieurs années par l’État. La DGE (Source : revue OFCE – DGE et Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance) explique en ce sens que :  « Depuis le milieu des années 2000, plusieurs dispositifs d’aide directe ont été mis en place pour financer des projets collaboratifs de R&D. Ils se différencient principalement par l’aspect plus ou moins appliqué de la R&D financée, le choix de restreindre ou non les aides à une thématique donnée, la taille des projets subventionnés et le niveau d’implication de la recherche publique ».

Avec la mise en place du PIA, en 2009, ces objectifs ont été poursuivis afin de financer des projets généralement plus coûteux, davantage tournés vers l’industrialisation. D’autres dispositifs, comme le FUI (Fonds unique interministériel) ou le PSPC (Projets structurants pour la compétitivité) avaient également vu le jour.

Le Crédit Impôt Recherche (CIR), était également un fort vecteur de soutien aux projets collaboratifs de R&D. En effet, jusqu’au 1er janvier 2022, un mécanisme de doublement d’assiette, s’agissant de la sous-traitance publique, avait pour effet de doubler l’intensité de l’aide au titre des dépenses externalisées auprès des organismes de recherche publics et assimilés, comme énuméré au d du II de l’article 244 quater B du Code Général des Impôts.

Néanmoins, l’Assemblée Nationale, dans leur rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement sur l’application des mesures fiscales, exposait que ce doublement d’assiette était « susceptible, d’une part, d’excéder l’intensité maximale admise par le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) au titre des aides en matière de R&D, d’autre part, de créer une distorsion entre les organismes éligibles à la sous-traitance publique et les autres, notamment privés ».

Fort de ce constat, et du risque juridique associé au regard du droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État, une plainte formelle avait été présentée à la Commission européenne le 1er octobre 2019. C’est cette réflexion qui a conduit à supprimer ce doublement des factures à compter du 1er janvier 2022, dans le cadre de la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Cette mesure ayant un impact non négligeable sur le CIR, cela a amené le législateur à créer un nouveau dispositif fiscal alternatif permettant de compenser cette mesure : le Crédit d’Impôt en faveur de la Recherche Collaborative.

Le CICo, qu’est-ce que c’est ?

L’article 69 de la loi de finances pour 2022 a ainsi instauré un nouveau crédit d’impôt : le CICo. Celui-ci fait effet en faveur des entreprises qui concluent, entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025, des contrats de collaboration avec des ORDC (Organismes de Recherche et de Diffusion des Connaissances) pour la réalisation d’opérations de recherche.

Pour qu’une entreprise puisse bénéficier du dispositif, celle-ci se doit :

  • D’avoir une activité industrielle, commerciale ou agricole ;
  • D’être soumis à un régime réel d’imposition, ou bien d’en être exonéré au titre des régimes suivants : JEI (Jeunes Entreprises Innovantes), entreprises implantées dans une ZFU, ZRR, zone de développement prioritaire ou bassin d’emplois à redynamiser ;
  • Il ne doit pas y avoir de lien de dépendance entre l’ORDC et l’entreprise ;
  • L’organisme de recherche doit bénéficier d’un agrément du MESRI pour être considéré comme ORDC.

Ensuite, il s’agit de s’intéresser aux travaux et à leur aspect collaboratif. Les travaux de recherche sont considérés comme collaboratifs si les parties prenantes poursuivent un objectif défini en commun, fondé sur une répartition du travail, et qu’elles partagent les risques financiers, technologiques et scientifiques, ainsi que les résultats de l’opération. Le contrat de collaboration entre l’entreprise bénéficiaire et l’ORDC se doit également d’être conclu avant le début des travaux de recherche.

Si ces conditions sont remplies, alors l’entreprise est en mesure de bénéficier du CICo, avec les modalités suivantes :

  • Les dépenses éligibles sont les montants facturés par les ORDC, à leur coût de revient ;
  • La facturation des dépenses de recherche ne peut excéder 90% des dépenses totales exposées pour la réalisation des opérations prévues au contrat ;
  • Les dépenses facturées sont retenues dans la base de calcul avec une limite globale de 6 millions d’euros par an ;
  • Le dispositif n’est pas cumulable avec les dépenses valorisées au CIR (ainsi qu’avec les aides directes ou indirectes portant sur la même assiette)

Concernant le taux du crédit d’impôt, celui-ci est égal à 40% des dépenses éligibles, avec un plafond de 6 millions d’euros par an, comme précité. Il est intéressant de noter que ce taux est porté à 50% pour les dépenses des PME au sens du droit de l’Union européenne.

Par ailleurs, concernant le statut d’ORDC, le nouvel article 244 quater B bis du CGI, qui renvoie à l’annexe I du règlement n°651/2014 de la Commission du 17 juin 2014, explique (paragraphe 83) qu’un ORDC est « une entité (telle qu’une université ou un institut de recherche, une agence de transfert de technologies, un intermédiaire en innovation, une entité collaborative réelle ou virtuelle axée sur la recherche), quel que soit son statut légal (de droit public ou de droit privé) […] ».

En l’état, il semble donc qu’un organisme privé pourrait être considéré comme un ORDC, ce qui permettrait un périmètre plus large que celui du doublement des factures de sous-traitance précédemment présent dans le CIR, qui ne concernait que les organismes publics.

Néanmoins, les conditions d’éligibilité, précédemment énoncées, sont multiples, et dans la pratique, le dispositif est-il facilement accessible ?

L’un des points les plus complexes se situe au niveau du contrat de collaboration. Ce dernier, comme énoncé, doit être signé avant le début des travaux. Dans la pratique, cela nécessite, en amont des travaux, de mentionner clairement qu’il s’agit d’une collaboration de recherche. Il apparaît donc nécessaire, préalablement aux travaux, d’expliciter l’objectif commun des deux entités, la portée du travail collaboratif, et le partage des risques.

Cependant, il est fréquent, pour de nombreuses entreprises, qu’une collaboration n’implique pas de R&D au début des travaux, mais qu’afin de faire face aux incertitudes rencontrées au cours de ces travaux, une démarche expérimentale soit menée. Initialement et en amont des travaux, il n’est donc pas possible d’affirmer dans le contrat le caractère de collaboration R&D des travaux.

Par ailleurs, afin de bénéficier du dispositif, « les dépenses facturées par les organismes de recherche au titre des travaux de recherche ne peuvent pas excéder 90% des dépenses totales exposées pour la réalisation des opérations prévues au contrat ». Cela implique, pour les ORDC, de déterminer avec précision le coût des opérations de R&D, et donc d’effectuer un suivi en amont. Lors de développements expérimentaux, il est cependant fréquent que les temps estimés soient largement dépassés, ce qui rend le suivi en amont complexe et constitue un point d’attention supplémentaire.

De plus, si le dispositif est en vigueur depuis le 1er janvier 2022, les conditions d’obtention de l’agrément CICo, quant à elles, ne sont pas encore précisées. Effectivement, à l’occasion du webinaire du 27 janvier, organisé par l’institut Carnot AgriFood Transition, Florent Della Valle et François Mariette, de la DRARI Bretagne (Délégation Régionale Académique à la Recherche et à l’Innovation), ont affirmé que les conditions d’obtention de l’agrément CICo étaient en cours de finalisation. Nous devrions donc avoir plus d’éclaircissements prochainement sur ce sujet.

Enfin, au niveau du partage des résultats, il s’agit à nouveau d’un point important à prendre en compte lors de la rédaction du contrat de collaboration en amont des travaux. En effet, la nécessité de protéger les résultats (brevets, licences…) doit notamment être négociée préalablement au début des travaux, alors même que dans le cadre d’une opération de R&D, il est courant de ne pas savoir le type de résultat qui sera obtenu, voire même si les travaux découleront sur des résultats exploitables. Il s’agit alors de trouver un équilibre entre l’intérêt de l’entreprise et le souhait de l’ORDC de publier les résultats de la recherche.

En conclusion, devant la complexité d’accès au dispositif, plusieurs questions se posent. Qui pourra bénéficier du CICo ? Le CIR n’est-il pas plus accessible et moins risqué ? Si une entreprise souhaite bénéficier du CICo, celle-ci doit porter une attention particulière au contrat de collaboration. Comment rédiger ce contrat, prenant en compte l’intégralité des critères d’éligibilité au CICo ainsi que les intérêts de l’entreprise et de l’ORDC, dans un contexte où il doit être rédigé en amont des travaux de R&D, sans visibilité précise sur les incertitudes techniques à lever et les résultats qui seront obtenus ?

Devant cette nouvelle formule, dont certaines spécificités ne sont pas encore explicitées, il est fort probable que cette première année signe un démarrage relativement lent dans son usage. Les TPE/PME vont, selon nous, se sentir exclues du fait d’une lourdeur administrative supplémentaire. Le CICo semble destiné aux grandes entreprises avant tout.

Notre veille sur ce sujet sera permanente, n’hésitez pas à nous solliciter si vous souhaitez avoir plus d’informations sur le sujet ! 😉

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